Renouvellement du Plan Nord par la CAQ: La Colonisation Perpétuelle de l’Arctique
Vue aérienne du village nordique d’Akulivik au Nunavik (Nord-du-Québec) / Aerial view of the Northern Community of Akulivik in Nunavik (North of Quebec). Photo: Chouch
A little treat for our French speakers in Quebec and around the world. The Plan Nord is an economic development strategy launched by the Quebec government, which aims to develop natural resources in the north of the province, above the 49th parallel. In the following commentary, Corinne Blumenthal examines the Plan’s impact on local Indigenous communities – en français.
En 2019, la Coalition avenir Québec (CAQ) a annoncé qu’elle allait contribuer à la continuation du Plan Nord, un plan destiné au développement économique du nord du Québec lancé en 2008 par le premier ministre de l’époque, Jean Charest. Ce projet envisage notamment l’exploitation minière de la région, s’inscrivant dans une tendance actuelle d’augmentation des projets miniers dans l’Arctique. Loin d’être anodine, cette annonce se révèle être extrêmement problématique du fait des implications sociales que le Plan Nord a sur les communautés autochtones de la région. Comme celui-ci est centré sur l’exploitation des ressources naturelles du territoire, sa relance peut considérablement perturber le mode de vie des populations habitant dans le nord du Québec. D’autant que la faible consultation des communautés autochtones dans son élaboration n’est qu’une façade pouvant cacher la profonde nature colonialiste et capitaliste du projet.
La région du nord du Québec est dotée d’un écosystème tout à fait unique dont les peuples autochtones de la région dépendent considérablement pour assurer leur mode de vie ancestral. En effet, les activités économiques et sociales, incluant les moyens de subsistance des communautés Inuits du Québec reposent majoritairement sur la faune et la flore environnante, ce qui est tout aussi applicable pour les autres communautés autochtones touchés par le Plan Nord. Ainsi, malgré le fait que les communautés autochtones aient été consultées lors de l’élaboration, les nouvelles infrastructures minières, hydroélectriques, routières et touristiques qui seraient installées sur le territoire viendraient non seulement affecter l’environnement mais aussi la vie des peuples autochtones qui en dépendent. La chanson Plan Nord de l’artiste algonquien Samian illustre d’ailleurs ces aspects négatifs:”Vous profitez de la terre pour vos propres envies / Sans même réaliser qu’elle nous maintient en vie / Vous voulez profiter pour une seule génération / Mais ces terres nourrissent toute une population”. Ces paroles démontrent que ce qui peut être considéré comme une richesse économique par Charest et Legault se trouve en fait être une ressource essentielle à la survie des peuples autochtones. Cette critique semble être mise à l’écart lorsque la CAQ a souhaité aller de l’avant avec le projet.
Par ailleurs, en plus de perturber la qualité et l’abondance des moyens de subsistance, le projet économique devrait aussi prévoir l’influence qu’il aura sur les relations sociales et économiques au sein des communautés de la région. Par exemple, la venue de plusieurs travailleurs pour une période temporaire peut avoir un effet considérable sur les prix des denrées et des logements dans la région. Donc, malgré les promesses de création d’emplois et les retombées économiques annoncées par les gouvernements, il est indéniable que d’importantes déstabilisations sociétales sont à prévoir pour éviter de reproduire la colonisation telle qu’on la connaît. De plus, dans son article intitulé Plan Nord – Où sont les femmes autochtones ?, Arnaud met en lumière le fait que ces répercussions négatives sont davantage ressenties par les femmes. Ses recherches montrent qu’elles sont soit marginalisées dans leurs emplois, soit qu’elles doivent faire plus de travail domestique en raison du départ des personnes allant travailler (mari, fils, etc.), ou bien elles risquent de tomber dans la prostitution ou les drogues pour faire face aux problèmes économiques du foyer. Finalement, les dimensions sociales du Plan Nord démontrent que le développement économique de la région n’est pas simplement une question de création d’emploi et d’enrichissement économique par l’État. Enfin, la participation politique des Premières Nations par rapport au projet s’est avérée extrêmement minimaliste est a été largement critiquée par les communautés lors du mandat de Charest. De ce fait, si le chef de la CAQ, François Legault, souhaite reprendre les démarches pour exploiter le Nord, il est indéniable qu’il devra procéder à une consultation continue et s’assurer que les demandes et les besoins des communautés soient comblés. Par exemple, les Inuits ont élaboré plusieurs traités et déclarations afin d’énumérer les différentes démarches qui devront être effectuées pour mettre en oeuvre le projet s’il a lieu. Dans une déclaration en 2015, la nation Inuit a notamment mis en l’avant l’importance de préserver les langues et les cultures autochtones durant le processus, d’adapter le système de gouvernance entre la nation et le gouvernement québécois présentement en place et qui se trouve être inadéquat, ainsi que de respecter les normes et les traités Inuits en matière de développement durable, de protection environnementale et sociale. En résumé, cette déclaration démontre l’importance d’une consultation adéquate auprès des communautés touchées par le projet. Autrement, une consultation effectuée sous la direction de Legault ne serait qu’une façon d’atténuer le caractère colonialiste et capitaliste du Plan Nord.
Corinne Blumenthal is studying Political Science as an undergraduate student at Simon Fraser University in the French Cohort Program. The author would like to thank Gregor Sharp and Charlotte Cavalier for their help in the publication of this commentary.